Le poids de la solitude masculine.
- Nicolas RESSEGUIER
- il y a 5 jours
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Devant la chaise vide.
L’homme s’assoit quand il n’y a plus rien à prouver. Il s’assoit quand le bruit du monde ne suffit plus à couvrir ce qui bat trop fort à l’intérieur. Ce n’est pas un geste de faiblesse. C’est le moment où l’on accepte enfin d’être traversé.
Devant lui, une chaise vide. Elle ne réclame rien. Elle n’accuse pas. Elle est la forme la plus précise de l’absence. Une absence qui a un poids, une température, une mémoire, une odeur, un parfum.
On croit que le manque est un trou ; il est en réalité une présence sans corps.
Les hommes portent leur sensibilité comme on cache une flamme dans la paume d'une main. Par peur qu’elle s’éteigne. Par peur aussi qu’on la voie surtout. On leur a appris à tenir, pas à trembler. À encaisser l’amour comme on encaisse les coups : en silence et transformer ce silence en armure.
On a appris aux hommes à serrer les dents plutôt que le coeur.
Alors la tristesse devient intérieure, presque polie. Elle s’assied à leurs côtés et ne repart plus. Il y a chez l’homme seul, une douleur sans théâtre. Pas de cris, pas de gestes amples. Seulement ce dialogue muet avec soi-même, cette fatigue douce qui vient quand on a trop aimé sans savoir comment le dire, cette tristesse s'installe autour de lui, discrète, persistante jusqu'à ce que tout devienne intérieur.
La souffrance masculine n’est pas une tempête : c’est une pluie fine, continue, qui finit par tout imprégner. La chaise vide est celle de l’amour attendu ou de de l’amour perdu, souvent les deux se confondent. Elle contient les mots qui n’ont pas trouvé la sortie, les mains qui n’ont pas osé se tendre, les adieux qui n’ont jamais eu lieu d'un amour qui a rejoint les cieux trop vite.
L’homme regarde cette place vacante comme on regarde sa propre fragilité : avec pudeur, avec crainte, avec une infinie délicatesse. On parle peu de l’abandon des hommes. Il est discret, presque invisible. Ils ne tombent pas, ils se retirent et se taisent.
Et dans ce silence, quelque chose s’abîme, mais quelque chose aussi se révèle : une profondeur, une lenteur, une capacité d’aimer sans retour.
C’est là que commence mon regard de photographe portrait d'auteur. Je ne photographie pas des hommes forts. Je photographie des hommes ouverts. Ouverts à ce qui fait mal, ouverts à ce qui manque, ouverts à cette part d’enfance que l’on leur a demandé d’oublier trop tôt, pour grandir trop vite, pour être plus fort...
La photographie portrait est pour moi une manière de rester. De ne pas détourner les yeux:
Elle accueille ce que le monde s'empresse de refermer. Dans le cadre, la sensibilité masculine n’est plus une faiblesse à corriger, mais une vérité à habiter. Je cherche l’instant où l’homme ne joue plus son rôle, où il n’est ni conquérant ni protecteur, mais simplement vivant, traversé, vulnérable.
La nature autour n’est pas un décor. Elle est un refuge. Les herbes hautes, le silence, la lumière douce disent ce que l’homme n’ose pas formuler. Ils enveloppent sa tristesse sans la juger. Ils lui offrent un espace où déposer ce qu’il n’a jamais appris à nommer.
Cette chaise vide est celle de l'attente, elle porte le poids des mots non dits, des gestes retenus, de cette pudeur masculine qui préfère se taire plutôt que de demander.

Photographier cette sensibilité masculine, c’est affirmer qu’elle existe. Qu’elle mérite d’être vue. Qu’un homme peut être brisé sans être détruit. Qu’il peut attendre sans se perdre. Qu’il peut aimer même quand personne ne vient s’asseoir.
Et si la chaise reste vide, l’image, elle, se remplit. Elle garde la trace de ce qui a été ressenti.
Elle murmure que la sensibilité masculine n’est pas une faiblesse à corriger, mais une lumière discrète, tremblante peut-être, mais profondément humaine...
Et que l'homme dans cette projection que le monde actuel veut lui faire porter au quotidien doit au contraire laisser cette lumière intérieure briller plus fort.
Ces hommes-là existent, ils traversent la vie avec une sensibilité qu'on ne leur pas apprise à nommer, ils portent l'abandon comme une saison intérieure, en espérant parfois sans y croire qu'un jour, quelqu'un viendra s'asseoir, car aimer, même dans l'absence, reste une façon très humaine d'être vivant.
N'hésitez pas à me laisser un commentaire sur vos ressentis, vos émotions.



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